L’univers créé par Vance est vaste, habité par une myriade de peuples humains aux coutumes variées et excentriques et même quelque aliens incompréhensibles. Il a imaginé la terre Mourante, l’Oecumène, l’aire Gaiane, l’amas d’Alastor et l’Au-Delà : des milliers de planètes inconnues ou pas, sauvages ou civilisées, où l’homme est universellement présent, créant des sociétés adaptées soit à l’environnement, soit façonnées par les coutumes et les impératifs souvent extrémistes des colons d’origine. Cette variété de mondes est paradoxalement pondérée par l’existence d’une seule langue universellement parlée et comprise par tous. Ce fait – invraisemblable- est une des conventions habituelles de la Science Fiction et Jack Vance s’en est accommodé, voire même justifié :
« Il y a un autre accord qui est vraiment ridicule, bien que je l’utilise moi-même, c’est que la langue, la langue terrienne, est comprise partout. C’est absurde, car nous savons tous que la langue est bien sûr la première chose qui change lorsqu’une société est isolée. La façon de communiquer changerait rapidement, et si les gens de la Terre venaient là plus tard, ils ne pourraient pas communiquer avec les gens là-bas. Mais écrire une histoire tenant compte de ce problème de langue serait une sacrée chose. Il faudrait des interprètes ou des traducteurs informatisés ou quoi que ce soit de ce style. Cela ralentirait incroyablement l’histoire. Par conséquent, j’utilise le langage commun que toutes les personnes, peu importe d’où elles viennent, peuvent comprendre. C’est illogique, mais utile. »
(Interview radio Jack Vance date inconnue source : http://editionandreasirle.de/?page_id=253#hehrler)
Tschaï est la seule histoire où Vance ait justifié l’usage d’une langue commune : dans Le Chasch, le héros Adam Reith se fait capturer après son crash par une tribu de nomades des steppes. Mal en point il est convalescent pendant des mois et apprend la langue locale grâce à son « infirmière » ( qui en sera récompensée par une flèche dans le cœur). Cependant cela n’explique pas le mystère d’une langue commune à tous les hommes de Tschaï, alors qu’ils ont été « importés » de la Terre à des époques différentes !
Il y a aussi l’exceptionnel « Les Langages de Pao » où la relativité linguistique est l’élément central de l’histoire : des scientifiques extra-planétaires (appelés « sorciers » !) sont engagés par le Panarque des Paonais pour mener une réforme en profondeur de la civilisation statique de Pao : ils vont reformater la population en trois groupes parlant chacun une langue différente : le technicant pour les techniciens, le cogitant pour les marchands, le vaillant pour les militaires. Pourtant au final une quatrième langue inattendue verra le jour : le pastiche, qui permettra à tous les groupes de se comprendre.
« À l’Institut de Culture comparée — où le seigneur Palafox est dominie —, vous étudierez les races de l’univers, leurs similitudes et leurs différences, leurs langues et leurs instincts prédominants, les symboles précis qui vous permettront de les influencer. »
(Les Langages de Pao chap. VIII)
« Pour plaisanter, les étudiants inventèrent une espèce de langue bâtarde, en mélangeant des bribes de paonais, de cogitant, de vaillant, de techniquant, de mercantil et de batch, et en la dotant d’une syntaxe syncrétique et d’un vocabulaire hétérogène. Cette langue, faite de bric et de broc, fut appelée le pastiche. »
(Les Langages de Pao chap. XII)
Dans « Dying Earth », La Terre Mourante, les sorciers, magiciens, aventuriers et paysans – y compris les démons appelés ou les créatures maléfiques comme les déodands semi-humains, parlent tous la même langue très policée : une originalité de plus dans cette série dont le succès dure depuis plus de soixante-dix ans.
Jack Vance décrit toujours ses mondes selon de multiples points de vue et l’universalité apparente et contradictoire du langage renforce ce sentiment d’humanisme « cosmique ».
Je suis tout à fait d’accord avec Vance pour le coup. Non seulement les gens parlent Terriens mais il est en plus sous-entendu que c’est de l’anglais – comme il est sous-entendu que les personnages principaux sont tous plus ou moins anglo-saxons. Ça m’a toujours vaguement agacé dans la SF classique.
Une petite remarque au passage : les extraits de planche doivent être aussi créditées JD Morvan (mais pas vraiment besoin pour les couv quoique).
Vous avez raison d’autant que les dialogues sont 100% adaptés- rectifié