STAR TREK vu par Jack Vance
Quelques déclarations personnelles de Jack Vance (extraits d’interviews) :
VANCE : … Je me suis souvent demandé si… Je ne sais pas quel est son nom, mais s’il m’approchait et me disait : « Vance, viens écrire des trucs de Star Trek… »
INTERVIEWER: Il s’appelle Gene Roddenberry.
VANCE : Je me suis souvent demandé ce que je dirais, vous savez. Je disais : « Eh bien, tout d’abord, combien? » Et puis je dirais… En gros, je ne vais pas le faire. Je pourrais être tenté avec plus d’argent qu’il n’en a dans son budget…, mais essentiellement je ne suis pas du tout intéressé. Et il n’est pas intéressé par moi tant que ça marche. (1976 KPFK interview)
« En particulier je n’aime pas ces films qui s’intitulent science-fiction, avec un vaisseau spatial du type « star Trek » et tout le monde en uniforme, en fait ce ne sont que des navires de transport de fret flottant dans l’espace, c’est très énervant et casse-pieds. Quand le jour viendra (s’il doit arriver) ou nous voyagerons dans l’espace, l’expérience sera très différente de l’ordinaire. Nous en avons eu juste un avant goût ; ce qui va se passer éventuellement sera évidemment beaucoup plus riche et plus complexe » (interview avec Charles Platt 1976)
« 95 % des bouquins de SF sont écrits pour des adolescents. C’est vulgaire et mal fait. Je mets dans le même sac des films comme « Star Trek », »Godzilla » et « Jurassic Park ». Si ça c’est de la science-fiction, je me tire ! » (Interview Nicolas Bohot Centre Presse 1998)
« Je n’ai jamais écrit pour le public. Jamais. Si je l’avais fait, j’aurais écrit des Star Trek. » (SF Weekly 2002)
« …je ne veux pas être dans le même bateau (qui prend l’eau…) que Star Trek. » (Cosmopolis 2003)
Pour essayer de comprendre le point de vue de Vance sur Star Trek, je me suis référé au livre tiré du scenario de la série, écrit par Gene Roddenbery (pocket book NY 1979) : la préface, fictivement signée par l’amiral Kirk nous explique avec humour que dans le futur les hommes étant devenus beaucoup plus intelligents et plus sociables, ont été contraints, suite à de nombreux échecs, à recruter pour l’exploration spatiale les humains les moins évolués et d’un niveau intellectuel plus limité (le nôtre) pour affronter les « dangers » de l’espace.
C’est clair : ici, Roddenberry donne donc raison à Vance avec cet équipage du Star Trek composé de « presques-crétins » du 23ème siècle !
Jack Vance avait souvent des opinions tranchées sur la Science Fiction en général et encore plus sur la TV et le cinéma, il clamait haut et fort qu’il ne lisait jamais de SF et n’allait pas voir de films, encore moins des séries télé. Cependant, pour justifier l’opinion défavorable qu’il avait sur Star Trek il avait certainement dû voir quelques épisodes, à moins qu’il ne se soit contenté de commentaires critiques de ses amis, de photos ou autre matériel journalistique.
Dans sa jeunesse il avait lu tout ce qui lui passait entre les mains, que ce soit dans la bibliothèque très fournie de sa mère Edith, ou d’autres sources diverses, mais surtout il avait lu tous les magazines « pulps » de l’époque (soit à peu près de 1925 à 1935) dont il était très friand. On peut penser que ces pulps (de qualité moyenne en général) ont contribué pour leur part au développement de son imagination. Or ces histoires qu’il dévorait toutes les semaines dans le ranch de son oncle ressemblent beaucoup aux épisodes de Star Trek (et autres) que les jeunes gens des années 1960 à 1980 ont applaudi, suscitant de nombreux clubs de fans aux déguisements excentriques qui s’exhibaient joyeusement lors des conventions SF déconcertaient Vance. On pourrait estimer qu’il manquait un peu d’indulgence ou même de compréhension pour une culture nouvelle et populaire, il pensait certainement -bien qu’il ne l’ai jamais exprimé publiquement-: trop d’idéalisme et trop de gadgets !
Ce jugement est d’autant plus étonnant qu’il avait lui-même contribué dans les années 50 en tant que scénariste, à la série TV « Captain Video » dont le niveau et la réalisation étaient bien en dessous de ceux de Star Trek (ce qu’on ne peut lui reprocher, il n’était que scénariste…).
Il a quand même « avoué » être allé voir Star Wars en 1977 malgré sa phobie du public (on lui avait offert le billet) : il a globalement apprécié le film et même trouvé amusant, malgré quelques réserves sur les scènes de combat au sabre laser, « niaises » à son avis.
Vance restait fidèle à lui-même : il n’écrivait pas pour plaire au « public « ou pour la « vulgaire canaille » comme il les dénommait, mais seulement pour des lecteurs « intelligents », il pensait certainement que ce n’était pas compatible avec le phénomène Star Trek.
Je comprends mieux pourquoi j’aime le travail de Vance :-)
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