Les femmes de Vance

Jack Vance nous fait découvrir dans ses nouvelles et ses romans  des portraits de personnages  féminins étonnants, qu’ils soient majeurs ou parfois secondaires dans l’oeuvre, ces personnages ont toujours un rôle déterminant soit dans l’intrigue soit par leur interaction avec d’autres personnages ou leur  influence sur l’évolution des ces personnages.

Sur l’ensemble de son oeuvre un observateur avisé peut relever que non seulement Vance ne fait jamais preuve de misogynie mais, au contraire applique parfois – avant l’heure – ce que l’on appelle de nos jours la discrimination positive !

L’oeuvre de Vance est immense, le rôle ou la description des femmes  dans certains romans ou nouvelles n’est pas toujours positif et parfois leur manifestation est perçue comme négative où pire sans intérêt, il y a même des nouvelles où aucun personnage féminin n’apparaît. Sans rentrer dans l’argumentation souvent outrancière des « féministes » on peut raisonnablement considérer que certains personnages peuvent avoir une aura maléfique ou négative qu’ils soient masculins ou féminins.

ill. Crumb

On ne peut accuser Vance de misogynie pour avoir créé dans Cadwall un personnage tel que Spanchetta – une horrible mégère agressive et manipulatrice – ce genre de personne existe vraiment et dans ce roman elle est essentielle à l’ambiance comme au déroulement de l’intrigue. D’autres fois ce sont ses héros masculins qui peuvent avoir un comportement en apparence misogyne – la « misogynie ordinaire » souvent décriée mais encore courante dans nos sociétés actuelles ; dans ces cas Vance ne fait que dépeindre des comportements (ou préjugés) aussi inconscients que réalistes.

Les mondes créés par Vance se situent généralement dans un avenir lointain avec des sociétés très diversifiées allant du très barbare au très policé avec  un far-west sauvage (« l’Au-Delà ») où sévit la violence, l’esclavage et le non-droit. De ce fait la condition féminine peut se décliner dans les termes les plus extrêmes et ce quelque soit le sentiment et l’opinion personnelle de Vance sur la question car l’histoire prime et de plus Vance était loin d’écrire « politiquement correct ».

Dans Les Maîtres de Maxus dont le sujet est l’esclavage : les soeurs et la mère du héros sont vendues comme esclaves pour travailler dans les usines de Maxus. Il va chercher à les libérer par des moyens compliqués et s’oppose à un esclavagiste et sa maîtresse qui fomentent une révolution sur Maxus. Les femmes sont soit des victimes soit des conspiratrices exaltées  Vance cite : « Les femmes sont la porte de l’enfer »…

Dans Miss Univers des « femmes » de races extraterrestres participent à un concours de beauté, ce comble de la vanité féminine ne réjouira donc pas les féministes mais pourtant, à la fin, c’est le mâle qui en prend pour son grade…

Dans les Oeuvres de Dodkin, Dodkin va de bureau en bureau pour trouver l’origine d’un décret idiot et rencontre des administrateurs et qu’ils soient hommes ou femmes, ils ou elles sont parfaitement égaux dans leur incompétence…

Ylin Ylan et l’ awaïle -dessin LI-AN

Dans Tschaï ou la bien-nommée Planète de l’Aventure il y a quelques personnages féminins importants notamment Ylin-Ylan la Yao dorée et Zap 210 la Pnumekin, la première, mélancolique, sombre dans la folie meurtrière avant de se suicider et Zap 210 évolue du Pnumekin maigre et  asexué vers une jeune fille bien formée et amoureuse. Les autres personnages féminins sont mineurs ou décoratifs, comme les prêtresses du Mystère féminin qui haïssent les hommes et les sacrifient dans d’abominables rites ou la truculente patronne de l’auberge au bord de l’océan Draschade .

Dans la Planète Géante le personnage de Nancy – l’espionne – est secondaire mais central et évolue tout au long de l’intrigue. Vance la décrit à un moment comme « un paon parmi les corbeaux » (chap. XIX).

Alusz Iphigenia et Gersen

Dans le Prince des Etoiles, peu de femmes, d’ailleurs Vance parle plutôt de « filles », « péronnelles » ou « coquettes » le seul personnage un peu conséquent (Pallis Atwode) sert surtout de faire-valoir à l’aventurier-vengeur Kirth Gersen qui doit la sauver des griffes du monstrueux  Hildemar Dasce ; on trouve ici la figure de la « demoiselle en détresse » mais, roman d’aventures oblige, on peut lui pardonner ce biais conventionnel, qu’il répétera plus ou moins dans les autres tomes de la geste des Princes Démons mais avec des personnages plus profonds, subtils et plus interactifs. Ainsi la mystérieuse Alusz Iphigenia, princesse d’un monde fantastique qui voyage en vaisseau spatial ou à dos de dnazd monstre centipède dans la machine à Tuer ; Ainsi la « Gentille » Jerdian Chanseth hautaine aristocrate Methlen très amoureuse ou la mère Tindle répugnante et vicieuse tenancière Darsh de l’auberge de Tindle dans le Visage du Démon ;  ou comme l’énigmatique Alice Wroke et la rusée Mrs Cleadhoe  du Livre des Rêves. Toutes ont des rôles clés dans chaque histoire et sont des personnages forts malgré les apparences.

Il est possible que le « syndrome de la schtroumpfette » (la surreprésentation masculine dans les média)  s’applique à certaines oeuvres de Vance. C’était un traitement courant de la littérature SF de l’époque (fin de l’âge d’or de la SF) que l’on rencontre beaucoup moins de nos jours (2020) même chez Vance qui ne lisait pourtant pas de SF bien qu’il ait dévoré dans sa jeunesse tous les pulps de l ‘époque où « la demoiselle en détresse » était un poncif inévitable – au minimum sur les couvertures-.

Pourtant dès ses premiers récits dans les années 50 Les femmes ont joué un rôle bien plus que superficiel comme  dans son premier roman publié en 1950, Les Cinq Rubans d’or, récit d’aventures spatiale presque caricatural où le héros Paddy Blackthorn se partage la vedette avec Fay Bursill l’envoyée de la Terre, femme énergique, intelligente et déterminée.

À cette époque il publie surtout des nouvelles, citons Une Fille en Or, qui décrit Lurulu une Lekhwar échouée sur la terre, La Princesse Enchantée, la Mytr

Dans la longue nouvelle Abercrombie Station ou sa suite Cholwell et ses Poules en 1952 , il nous offre sa première véritable héroïne féminine : Jean Parlier, jeune femme intrépide qui n’hésite pas à s’affirmer ou même à jouer du pistolet à aiguilles…

Dame isabel

En 1965 dans Space Opera le personnage principal est Dame Isabel, vieille rombière entichée de musique universelle et qui entraîne famille et amis dans un voyage spatial hasardeux à travers la galaxie pour jouer des opéras chez des races extra-terrestres plus ou moins réceptives.


En 1974 Alice et la Cité (renommé plus tard par Jack Vance l’insupportable fille rousse du commandeur Tynett)  décrit l’étonnante touriste Alice, aristocrate ingénue mais non sans défense, déclenchant ses foudres sur ses adversaires masculins.

Dans sa féérique série de fantasy Lyonesse des années 80-90 les personnages féminins sont majeurs et omniprésents : Suldrun, Glyneth et Madouc rythment le récit.

Ses romans tardifs, la série Cadwall (87-92) et la Mémoire des étoiles (1996) ont des héros jeunes et masculins mais ils sont indissociablement accompagnés de leur pendant féminin.

Sa série ultime Escales dans les étoiles (1998)et sa suite Lurulu (2005)débute et se termine avec le personnage de Dame Hester Lajoie, l’excentrique grand-tante du héros Myron Tany.

Quelque soit le personnage ou la situation, Vance ne fait jamais preuve de sexisme dans ses histoires, pas même de paternalisme ou autre sexisme « bienveillant », il décrit des personnes imaginaires conformes à l’histoire, au monde qu’il crée. Parfois certains clichés ressurgissent mais  globalement Vance n’à pas de problème de « genre ».

On ne peut s’en étonner si l’on considère qu’en l’absence de son père, il a été élevé par sa mère Édith, une femme solide, lettrée, musicienne, aux multiples talents ; sans parler de sa femme Norma qui semble avoir été une personne exceptionnelle qui l’a accompagné activement tout au long de sa fertile carrière d’écrivain.

Source photos : jackvance.com et « Mon non est Vance, Jack Vance » – Spatterlight Press & Livre de poche

Une réflexion au sujet de « Les femmes de Vance »

  1. Personnellement, j’ai été frappé par les deux types de femmes courants dans l’œuvre de Jack Vance : la princesse, une jeune femme de très bonne famille qui est attirée par le héros d’un rang social inférieur mais qui démontre des qualités mâles fascinantes. C’est un personnage qui pullule dans les œuvres populaires états-uniennes et le lecteur pouvait s’identifier facilement. Chez Vance, la princesse a un tempérament difficile, souvent boudeuse ou en conflit avec le héros, consciente de sa relation hors classe et ayant du mal à la gérer. Quelque fois ça peut terminer très mal. Le second type de fille est une jeune femme intelligente avec la tête sur les épaules et le héros finit toujours par être séduit à la fin. C’est aussi un cliché de l’époque où Vance écrit. Il faut bien souligner qu’il écrivait pour un public quasiment uniquement masculin et racontait des histoires aventuresques, il ne faut donc pas s’étonner de la place accordée aux femmes et du rôle qu’elles jouent. dans ses histoires.
    Comme tu le soulignes, le cycle de Madouc est beaucoup plus moderne de ce point de vue là et plutôt féministe en décrivant un personnage féminin qui souffre de sa condition de femme.

    En dédicace, j’ai toujours été surpris de voir des femmes amatrices de Vance et Tschaï. – qui est une histoire très masculine Elles sont une petite minorité et ont toujours un fort caractère. Il faudrait étudier la sociologie des lectrices de Vance :-)

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