Dragons

English readers: don’t use google translate, original Vance text below

1963 Gaughan

En 1962, pour la parution de Dragon Masters, jack Vance écrivit à Frederik Pohl, alors éditeur de Galaxy une longue lettre explicative concernant la description de ses “dragons”. Jack Gaughan, l’illustrateur avait déja fait des esquisses et Vance les avait vues, on peut supposer que Gaughan avait cependant demandé quelques précisions ou une confirmation que ses dessins étaient conformes à l’idée de Vance. Il y répond avec une précision spectaculaire.
Plus tard, dans des interviews, Vance a déclaré que ces dessins lui avaient beaucoup plu et même qu’il était persuadé – avec sa modestie légendaire – que c’est ce qui lui avait principalement valu à la fois le succès du roman et le prix Hugo reçu en 1963.

Lettre de Vance à Frederik Pohl (éditeur de Galaxy):

Oakland, le 11 janvier 9 janvier 1962
Cher Fred :

Je pense que votre solution – la série de dessins représentant les différentes créatures de DRAGON-MASTERS – est optimale. En fait, c’est ainsi que j’espérais que la question pourrait être traitée, ma théorie étant que peu importe le soin avec lequel un objet est décrit, l’image résultante dans l’esprit du lecteur est toujours différente.
Je n’ai pas de recette précise pour ces créatures, à une exception près : une fois le Basic délimité, le reste doit être variations ou exagérations de ce motif « Basic ».
Quoi qu’il en soit, voici les bêtes, plus ou moins comme je les visualise : L’essentiel : à parts égales: insecte, reptile et extraterrestre absolu. Environ 1m60, debout sur deux pattes, peut-être à moitié portées par des membres du milieu que je qualifie de « polyvalents », c’est-à-dire utiles soit pour la préhension, soit pour la locomotion. Les « membres » supérieurs sont sensitifs[sic], filiformes : une main extrêmement allongée, avec de longs doigts sinueux et délicats.
Quant à la tête, il y a des yeux complexes, une bouche large et inclinée, des parties et des plaques chitineuses, une touffe ou deux de poils ou des épines souples. L’expression est lointaine, couveuse, sans passion, sans agressivité [sic]. Le torse peut être segmenté, et peut suggérer, par sa texture, celle d’un termite ou d’un poisson argenté, avec des écailles diaphanes. L’impression doit être celle de la durabilité et d’une bonne coordination, mais sans grande force, ni rapidité, ni prouesse physique. En bref, elle devrait être presque mais pas tout à fait comparable à celle d’un homme moyen. Il doit avoir une queue rudimentaire ou un membre dorsal à exagérer dans la queue du monstre, ainsi qu’une petite pointe, bouton ou crête sur la poitrine pour former le harpon du Tueur unicorne.
Le Termagant est à peu près de la taille du Basic, mais beaucoup plus compact, plus dur, musclé et actif. Ses pattes sont munies de griffes, il a de petits crocs dans la bouche, les membres sont plus lourds, plus forts. La tête est plus ramassée, plus massive et affiche une expression dure, rageuse et déterminée. Si l’on compare le Basic à un termite, alors le Termagant est une fourmi rouge. Il se tient comme le Basic, plus ou moins droit, et porte un harnais avec fourreau et épée. Les écailles sont plus prononcées.
Le Tueur Unicorne et les Califourche sont similaires : ils courent sur les quatre membres ; ils ont un corps léger et sinueux, une petite tête étroite, et correspondent à la cavalerie légère. Tous deux sont plus grands que le Termagant.
Le Tueur Unicorne a une pointe acérée qui dépasse de sa poitrine, d’environ un mètre ou deux. Les membres  sont bien développés et peuvent être représentés portant une masse.
Le Tueur Califourche est plus grand, plus léger, plus rapide, plus maigre et plus vicieux. La corne frontale est absente ; il n’a ni crocs ni serres, mais porte une masse et une épée. Les proportions des deux Meurtriers sont plus lourdes que les Basics, mais toujours assez légères.
L’Horreur bleue est trapue, compacte, presque comme un crapaud, avec des jambes musclées et agiles ; elle semble vigoureuse, active, intelligente et bien sûr féroce, mais pas maligne.Les écailles sont lourdes et grossières, suggérant la ténacité et le courage indomptable.  Ses armes sont une épée courte et lourde, une hache de guerre. Le monstre se déplace à quatre pattes, sur de courtes jambes très puissantes. Ses bras sont tout aussi puissants. Sa tête est aplatie, grotesquement laide, avec une sorte de sourire de cauchemar. L’armure est épaisse et lourde, presque comme les plaques d’un plesiosaure (ou est-ce que je pense à des tricératops ? Bref, vous voyez le tableau.). La queue est semblable à celle d’un crocodile, peut-être plus courte, et est munie d’une boule d’acier à pointes de vingt centimètres, qu’elle porte ou non à la manière d’un dard de scorpion. Elle est à peu près aussi longue que celle d’un Tueur, mais plus large et plus près du sol.
Le Jaggernaud doit suggérer (mais en aucun cas être) un composite de crapaud, de sanglier, de mastodonte, de tigre à dents de sabre, de dragon médiéval. (Dans le cadre de la physionomie de base, cela va sans dire.) La calotte crânienne est chauve, blanche ; les yeux sont complexes, la tête dans son ensemble est massive avec une grande bouche en retrait, mais pas aussi massive en proportion de sa taille que celle de l’Horreur bleue. Elle se tient à plusieurs pieds du sol, son ventre n’est pas aussi lourdement blindé que son dos. La queue est une souche ou inexistante . Dans ses courtes et lourdes pattes, il porte une épée ou une hache de combat très lourde. Les pieds sont fortement griffus. Son expression n’est pas tant féroce ou vicieuse, mais insensée, imperturbable.
L’Aragne : quelque chose comme un tueur ambulant.

Gaughan 1962
2019 art Simon Roy


INDICE DE TAILLE RELATIVE :
Basic-100
Aragne-150
Termagant-110
Horreur bleue-180
Tueurs Califourches-140
Immonde-270
Tueur unicorne-150
Jaggernaud-500



Quant aux hommes adaptés : Les Porteurs d’Engins sont proches de l’homme véritable – mais anormal. Les oreilles peuvent être représentées comme des coquilles plates ; le front est haut, les cheveux sont comme ceux d’un caracul pâle. Le nez est pointu, les yeux rusés et sages. L’image doit suggérer un être humain avec une âme étrangère ; comment faire ? Je vous refile le problème.
Les Guerriers Lourds sont eux aussi presque humains : trapus, pesants, avec des visages épais et sans humour, pleins de ricanements dyspeptiques. Le nez est long, épais ; les fronts sont bas, massifs, les yeux petits, profonds.
Les Pisteurs sont quelque chose de l’ordre des Tutsi, peut-être un peu moins frêles, et plus définitivement extraterrestres.
Les Montures : comme les lapins sans peau, pas de longues oreilles bien sûr. Des visages étroits, pas inintelligents ; ils sont clairement humains et ne sont pas mécontents de leur travail.
Les Géants : massifs, d’environ deux ou trois mètres de haut. Petites têtes, comme des bosses sur les épaules, avec un toupet de poils grossiers. Ils ne doivent pas ressembler à des ogres de conte de fées, mais à des hommes de grande taille et de grande force, assez agiles, avec une intelligence un peu moins que la moyenne. Peut-être pas de sourcils, des yeux vides : un regard de bébé.
Je pense que ça suffit. J’espère d’ailleurs que vous utiliserez la carte que j’ai jointe au message. De toute évidence, je suis un cartographe peu efficace. Voici une idée : sans doute utiliserez-vous une couverture pour l’histoire : pourquoi pas la carte, en noir et blanc, avec superposé dans un coin un homme avec un dragon ou deux ?
J’espère que les descriptions auront un sens. J’ai remarqué que certains de ces artistes de SF sont des vauriens à l’esprit littéral, sans trop d’imagination créative. Si un écrivain mentionne le mot « dragon » dans son texte, environ deux tiers d’entre eux se sentent obligés de montrer un reptile cracheur de feu tout juste sorti d’un vase chinois – ce qui efface l’effet de divergence ou de disparité entre l’image visuelle d’une créature étrangère et l’idée conventionnelle de « dragon » : pour être didactique : l’effort mental nécessaire pour concilier l’image et le mot entraîne l’abandon du stéréotype, ce qui équivaut à l’illumination, ou disons une expérience intellectuelle inédite.
Une autre question, Fred. Dans l’histoire, j’ai eu du mal à cacher – ou mieux, à ne pas faire apparaître – la relation entre les Basics et les dragons des armées d’Aerlith. Imaginant cela, à tort ou à raison, pour ajouter un soupçon de suspense à l’histoire. Je suggère donc que le dessin représentant les Basiques soit placé à la fin de la série, à un endroit proche du point où le texte rend la relation sans équivoque.
C’est à peu près tout ce que je pense, content que l’histoire vous plaise.

JACK VANCE


ENGLISH


In 1962, for the publication of Dragon Masters, Jack Vance wrote to Frederik Pohl, at the time publisher of Galaxy, a long letter detailing the description of his « dragons ». Jack Gaughan, the artist had already made sketches and Vance had seen them, but he may have asked for some clarification or confirmation that his drawings were consistent with Vance’s idea.He replied with spectacular precision!
Later, in interviews, Vance stated that he had liked the drawings very much and even that he was convinced – with his legendary modesty – that this was the main reason for both the success of the novel and the Hugo prize he received in 1963 !


Letter from Vance to Frederik Pohl (Galaxy’s editor)

Oakland, 11 January 9, 1962 Dear Fred:

Yrs. rec’d and contents noted. I think your solution—the series of spots depicting the various beasts in THE DRAGON-MASTERS—is optimum. In fact this is how I hoped the matter might be handled, my theory being that no matter how carefully an object is described, the resultant image in the mind of the reader is always at variance.
I don’t have any precise recipe for these beasts, with one exception: after the Basic is delineated, the rest must be variations or exaggerations of this « Basic » pattern.
In any event, here are the beasts, more or less as I visualize them: The Basics: equal parts insect, reptile and the absolutely alien. About 5’6″, standing on two legs, possibly half-supported by middle members which I describe as « versatile » ie: useful either for grasping or locomotion. The top « brachs » are sensative (sic), wiry: an extremely elongated hand, with long sinuous delicate fingers.
As to the head, there are complex eyes, a wide underslung mouth, chitinous parts and plates, a tuft or two of hair or soft spines. The expression is remote, brooding, dispassionate, unagressive (sic). The torso can well be segmented, and might suggest in texture that of a termite or silverfish, with diaphanous scales. The impression should be one of durabil¬ity and good coordination, but no great strength, quickness or physical prowess. In short, it should be almost but not quite a match for an average man. It should have a rudimentary tail or dorsal member to be exaggerated into the tail of the Fiend, as well as a small prong, knob or ridge on the chest to produce the spike of the Long-horned Murderer.
The Termagant is about the height of the Basic, but much more compact, harder, muscular and active. Its legs have talons, there are small fangs in its mouth, the brachs are heavier, stronger. The head is more squat, more massive and wears a harsh, angry, determined expression. If the Basic is compared to a termite, then the Termagant is a red ant. It stands like the Basic, more or less upright, and wears a harness with scabbard and sword. Scales are more pronounced.
The Long-horned Murderer and the Striding Murderer are similar: they run on all four members; they have sinuous light bodies, small narrow heads, and correspond to light cavalry. Both are larger than the Termagant.
The Long-horned Murderer has a needle-sharp spike protruding from its chest, about three or four feet long. The brachs are well-developed and might be depicted carrying a mace.
The Striding Murderer is taller, lighter, swifter; lean and vicious. The frontal horn is absent; it has no fangs or talons, but carries mace and sword. Scales of both Murderers are heavier than the Basics, but still rather light.
The Blue Horror is squat, compact, almost toad-like, with agile muscular legs; it appears vigorous, active, intelligent and of course ferocious, though not malignant. Scales are heavy and coarse, suggesting tenacity and indomitable courage. Its weapons are a heavy short sword, a battle-axe.
The Fiend definitely moves on all fours, on short immensely powerful legs. Its brachs are likewise powerful. The head us squat, grotesquely ugly, with a kind of nightmare grin. The armor is thick and heavy, almost like the plates of a plesiosaur (or is it triceratops I’m thinking of ? Anyway you get the picture.). The tail is like that of a crocodile, perhaps shorter, and is tipped with a nine-inch spiked ball of steel, which it may or may not carry like the sting of a scorpion. It is about as long as a Murderer, but broader and lower to the ground.
The Jugger should suggest (but by no means be) a composite of a toad, boar, mastodon, sabre-tooth tiger, the medieval dragon. (In the framework of the Basic physiognomy, it goes without saying.) The skull-cap is bald, white; the eyes are complex, the head as a whole is massive with a great fanged undershot mouth, but not so massive in proportion to its size as that of the Blue Horror. It stands several feet off the ground, its belly is not as heavily armored as its back. The tail is a stub or non-existant (sic). In its short heavy brachs it carries a very heavy sword or battle-axe. The feet are heavily taloned. Its expression is not so much ferocious or vicious, as insensate, imperturbable.

The Spider: something on the order of a Striding Murderer.
INDEX OF RELATIVE SIZE:
Basic-100
Spider-150
Termagant-110
Blue Horror-180
Striding Murderer-140 Fiend-270
L-h Murderer-150
Jugger-500
Now as to the adapted men: The Weaponeers are close to true man—but fey. The ears might be represented as flat shells; the forehead is high, the hair is like pale caracul.
The nose is keen, the eyes foxy and wise. The picture should suggest a human being with an alien soul; how is this to be done? I relinquish the problem to you.
The Heavy Troopers are likewise near-human: squat, heavy, with heavy humorless faces set in dour dyspeptic sneers. The nose is long, heavy; the foreheads low, massive, the eyes small, deep.
The Trackers are something on the order of the Watutsi, perhaps a trifle less spindly, and more definitely alien.
The Mounts: like skinned rabbits—no long ears of course. Narrow faces, not unintelligent; they are clearly human and not discontented with their jobs.
The Giants: massive, about eight or ten feet tall. Small heads, like bumps on the shoulders, with a shock of coarse hair. These should not resemble fairy-tale ogres, but rather men bred to great size and strength, fairly agile, with a trifle less than average intelligence. Perhaps no eyebrows, eyes blank: a baby stare.
I think that does it. Incidentally I hope you use the map I included with the MS. Obviously, I’m an ineffectual cartographer. Here’s an idea: no doubt you’ll use a cover for the story: why not the map, in black and white, with superimposed in a corner a man with a dragon or two?
I hope the descriptions make sense. Some of these SF artists are literal-minded rascals, I’ve noticed, without too much creative imagination. If a writer should mention « dragon » in the text, about two-thirds of them feel impelled to show a fire-breathing reptile fresh off a Chinese vase—thus obliterating the effect of the discord or disparity between the visual image of an alien creature and the conventional idea of « dragon’: To be didactic: the mental effort necessary to reconcile picture with word results in abandonment of stereotype, which is equivalent to enlightenment, or let us say a novel intellectual experience.

One other matter, Fred. In the story I was at some pains to hold back — or better, not make apparent — the relationship between the Basics and the dragons of the Aerlith armies. Conceiving this, rightly or wrongly, to add a soupcon of suspense to the story. I suggest, therefore, that the spot depicting the Basic be inserted at the end of the series, somewhere near the point where the text makes the relationship unequivocal.
That’s about all I think, glad you like the story.




Une réflexion au sujet de « Dragons »

  1. …Jack Gaughan, l’illustrateur avait déja fait des esquisses et Vance les avait vues, «  »ont » » peut supposer que Gaughan avait cependant demandé quelques précisions…
    Petite faute à corriger «  »on » »
    Les spectaculaires dessins de Gaughan pour Galaxy ont à mon avis largement contribué au succés de la novella.
    Merci de publier cette très intéressante lettre de Jack.

    1. Vous avez bien fait de me signaler cette erreur qui m’avait échappé!
      La lettre de Jack provient du livre de Paul Rhoads « VIE Graphics » qui m’a été transmis par Wil Ceron un Hollandais ex bénévole du VIE. Content que vous l’ayez appréciée à sa juste valeur.

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